Nos pieds de danseuse-étoile
Avant de commencer à lire cette page,
s'il vous plaît,
il faut retirer ses chaussures, n'est-ce pas, sinon comment l'herbe serait-elle douce ?



En cet instant merveilleux d'herbe au soleil, nous touchons nos pieds sur Terre.
Leurs lobes d'orteils
Leurs talons d'Achille
Leur plante.
On pense.
On croit courir,
mais dans quelle direction ?
Nos pieds s'y perdent, dans ce labyrinthe des villes
aux rues trop droites
Ce labyrinthe des vies tracées
Où est le futur ? Le fil d'Ariane ?
Peut-être, peut-être, que nos pieds ont pris racine.
—Auraient-ils de la merde sous les ongles ?—

Nos pieds de danseuse-étoile
Nos pieds à ailettes
Nos pieds qui atterrissent sur le monde chaque matin,
prêts à jouir d'une moquette ou
prêts à se planter, à creuser leur trou d'humus,
à faire des kilomètres en supermarché pour acheter un paillasson, des caisses plastiques, une bouteille d'huile de tournesol, du papier-toilette vingt-quatre rouleaux indéformable et des graines de soupe à la tomate,
ou à envoyer valser.

Valser les crottes de caniches
Valser les mensonges
Valser les bornés
Valser le monde pour qu'il tourne rond
—créer des spirales.—
Nos pieds de danseuse-étoile

Mais non, voyons, oubliez tout ce que j'ai dit, nos pieds préfèrent nos pantoufles bien chaudes, bien douces, bien aveugles. Se promener vers la salle de bain, flouschi flouscha. Le tapis de douche à froufrous. Les ronds dans l'eau au fond de la baignoire, avec du bain moussant. Frotter des rêves mous à la savonnette Norma. Les arcs-en-ciel dans les bulles, tout ça. Beaucoup de bulles, beaucoup de rêves, beaucoup d'arcs-en-ciels qui font

plop.

Ou les tongs en plastique. Sans grain de sable entre les orteils, juste les tongs, l'idée absolue des tongs sur la plage, avec des femmes en topless, des hommes moulés, des transats et le soleil d'un citron sur cette bordure de verre de mojito sucrée. Pourtant...




Pourtant, nos pieds nus savent dompter les aspérités du terrain.
Faire un éventail de doigts de pied, aiguiser leurs sales cornes, s'évader des chaussettes à coups d'ongles, libres,

à deux pas du sol

à deux pas du ciel

pour grimper dans les hêtres, le monde ou les cathédrales,
—Nos pieds de danseuse-étoile.—


*


Il m'arrive de penser aux escargots. Ils sont tout nus, les escargots. Ils bavent à leur rythme, les escargots. Ils contruisent leur cathédrale en carbonate de calcium. Ils savent dégoupiller le potentiel extraordinaire de chaque instant. Tournoyer sous le ciel dans l'ignorance générale. Ne vous arrive-t-il pas de vous sentir tourbillonner en regardant un escargot ? Comme un vertige, une ivresse ? Une sorte de tournis ? Pourtant il n'a qu'un pied, l'escargot.

Ah, pensez, en cet instant d'herbe au soleil :
C'est simple, la vie sur deux pieds
quand on voit qu'ils sont sur terre
et qu'un seul suffit
pour un coup de pied à la Lune


*        *
      *            *
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